Si la qualification d’un contrat à durée indéterminée en une relation commerciale établie ne pose pas de problème particulier, tel n’est le cas en revanche des contrats à durée déterminée.
En effet, un contrat à durée déterminée se caractérise par son terme qui est connu des deux parties au moment de la signature du contrat.
Les parties contractantes ne peuvent donc en principe légitimement s’attendre à la stabilité de leur relation contractuelle au-delà de ce terme.
Dans certains cas, il a néanmoins été jugé que l’arrivée du terme d’un contrat à durée déterminée pouvait s’analyser en une rupture brutale.
Cela est notamment le cas lorsque le contrat a durée déterminée prévoyait la possibilité pour les parties de renouveler leur collaboration après ce premier terme.
La question est toutefois plus complexe lorsque, ayant expressément exclu la possibilité de renouveler leur relation au-delà du terme contractuellement défini, les parties signent des contrats à durée déterminée successifs.
Dans cette hypothèse, la partie qui s’estime lésée par la non signature d’un nouveau contrat à l’arrivée du terme du précédent peut-elle se prévaloir des dispositions de l’article L 442-6 du Code de commerce ?
La Cour de cassation a été amenée à apporter une réponse à cette question aux termes d’un arrêt du 23 juin 2015.
En l’espèce, depuis 2008, la société BABOU confiait l’exploitation de divers fonds de commerce à la société GB CRISTAL, aux termes de contrats à durée déterminée d’un an successifs, excluant systématiquement la possibilité d’une reconduction.
Par courrier du 24 août 2013, la société BABOU avait annoncé à la société GB CRISTAL qu’elle n’entendait pas poursuivre leur relation au-delà du terme du dernier contrat en date.
Soutenant que les relations commerciales existant entre les deux sociétés avaient été brutalement rompues par la société BABOU, la société GB CRISTAL a saisi le Président du Tribunal de commerce de Lyon statuant en référé aux fins de faire constater la brutalité de la rupture et ordonner la poursuite des relations commerciales.
Par ordonnance du 27 septembre 2013, le Président du Tribunal de commerce de Lyon a effectivement constaté le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie entre la société BABOU et la société GB CRISTAL et ordonné la poursuite des relations commerciales entre les deux sociétés pour une durée de six mois à compter de la décision.
La société BABOU a interjeté appel de cette décision.
En appel, la Cour a considéré que la société BABOU ne pouvait soutenir que la signature chaque année d’un nouveau contrat à durée déterminée avait conféré un caractère précaire à sa relation avec la société GB CRISTAL et qu’il importait peu par ailleurs que chaque contrat ait précisé qu’il n’y avait pas de tacite reconduction possible.
En effet, selon les juges du second degré, il s’avérait que depuis six ans la signature d’un nouveau contrat intervenait dès la cessation du précédent et que, dès lors, la société GB CRISTAL pouvait légitimement s’attendre à la poursuite des relations commerciales par la signature d’un nouveau contrat à l’échéance du précédent compte tenu de leurs pratiques antérieures.
La société BABOU s’est alors pourvue en cassation.
Reprenant de façon quasi similaire l’argumentation de la Cour d’appel, les juges de la Haute juridiction ont rejeté le pourvoi de la société BABOU, la Cour de cassation ajoutant que la succession des nouveaux contrats s’était faite sans difficulté et que de cette succession de contrats s’était dégagé un chiffre d’affaires important pour la société GB CRISTAL.
Bref, si la lettre du contrat est ce qu’elle est, encore faut-il qu’elle ne serve pas à camoufler l’esprit dans lequel se déroule la collaboration entre les parties.
tags: contrat à durée déterminée, relation commerciale établie, rupture brutale