En cas de contrat à durée déterminée, les parties à un tel contrat sont théoriquement dans l’impossibilité de se séparer avant le terme prévu. Et dans l’hypothèse où l’une des parties ne respecterait pas cette durée déterminée en rompant le contrat avant son terme, cette partie risquerait d’engager sa responsabilité contractuelle.
Nonobstant la durée déterminée du contrat, il arrive cependant que les parties prévoient simultanément la possibilité d’y mettre un terme de manière anticipée (clause de résiliation anticipée).
Afin de ne pas trop pénaliser la partie subissant la rupture anticipée, la clause de résiliation anticipée est généralement assortie d’un préavis.
Toutefois, que se passe-t-il lorsque cette partie estime que la durée du préavis, contractuellement fixée, est insuffisante au regard de la durée de sa collaboration avec l’auteur de la rupture et entend invoquer une rupture brutale des relations commerciales établies ?
A l’occasion d’un arrêt du 12 avril 2016, la Cour de cassation a été amenée à fournit des éléments de réponse à cette question.
En l’espèce, depuis le 7 février 1992, la société L. YATCHING, anciennement THIERRY HAMEL PLAISANCE (THP), était titulaire d’un contrat de concession exclusive consenti par la société BENETEAU, société bien connue ayant pour objet la construction et la commercialisation de bateaux, à laquelle a succédé la société SPBI.
Suite à l’adoption du règlement communautaire CE n°2790/99 exonérant les accords verticaux de distribution de la qualification d’ententes prohibées sous réserve de respecter certaines conditions, à savoir, entre autres, la limitation à cinq années de toute obligation directe ou indirecte de non concurrence, deux nouveaux contrats de concession à durée déterminée avaient été signés le 31 août 2007.
L’article XIII desdits contrats stipulait ainsi : « Le présent contrat est conclu pour une durée de 60 mois au plus. A tout moment pendant cette période de 60 mois, il pourra y être mis fin par l’une quelconque des parties, moyennant la notification par cette partie à l’autre d’un préavis de résiliation de 8 mois sans qu’il soit besoin d’en justifier ».
Le 15 février 2011, soit près de 19 ans après le début de leur collaboration, la société SPBI a notifié à la société L. YATCHING la résiliation des deux contrats à l’issue du préavis de 8 mois contractuellement prévu.
Considérant le préavis de 8 mois insuffisant eu égard à l’ancienneté de leur relation, la société L. YATCHING a assigné la société SPBI devant le Tribunal de commerce de Marseille aux fins de voir cette dernière condamnée à lui verser des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 442-6 du Code de commerce.
Devant les juges du fond, la société L. YATCHING a notamment soutenu que la rupture des relations avait été brutale au sens de l’article L 442-6 du Code de commerce et donc, qu’il ne pouvait être fait référence aux derniers contrats à durée déterminée et plus particulièrement aux articles XIII, ces derniers créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Ce moyen n’a pas été retenu par les juges du fond qui ont estimé que la clause de résiliation anticipée conférait au concédant et au concessionnaire le même droit de mettre fin au contrat et dans les mêmes conditions et donc, qu’il n’existait aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Toutefois, bien que déclarant la clause de résiliation anticipée valable, les juges du fond ont jugé que la durée du préavis contractuel était insuffisante et que la société L. YATCHING aurait dû bénéficier d’un préavis de 12 mois.
Considérant le préavis de 12 mois encore insuffisant (il restait 18 mois à courir lorsque la société SPBI a rompu le contrat de manière anticipée), la société L. YATCHING s’est pourvue en cassation.
Reprenant l’argumentation des juges du fond, la Haute juridiction a également jugé que la clause de résiliation anticipée ne créait aucun déséquilibre significatif entre les parties.
Quant à la durée du préavis accordé par les juges du fond, à savoir 12 mois au lieu des 8 mois contractuellement prévus, la Cour de cassation a rappelé qu’elle relevait de l’appréciation souveraine des juges du fonds.
En définitive, en cas de contrat à durée déterminée contenant une clause de résiliation anticipée, la partie souhaitant mettre en œuvre cette clause de résiliation anticipée devra donc non seulement s’assurer que la clause en question ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties au risque de voir la clause déclarée nulle, mais surtout que la durée du préavis qui y est stipulé est bien suffisante au regard de la durée totale de sa collaboration avec son cocontractant.
Catégorie: contrat à durée déterminée, relation commerciale établie, résiliation anticipée, rupture brutale