En droit de l’agent commercial, la faute grave est une notion fondamentale. Fondamentale, car lorsqu’elle est caractérisée, c’est la seule faute susceptible de priver l’agent de son droit à indemnité de cessation de contrat.
Les textes ne donnant pas de définition de la faute grave, il n’est toutefois pas toujours aisé de définir concrètement les comportements constitutifs d’une telle faute. Pour mieux cerner cette notion, l’examen de la jurisprudence est indispensable.
Le Cabinet AUMANS Avocats, spécialisé en droit de l’agent commercial, vous éclaire sur la définition de la faute grave de l’agent commercial à travers différents exemples.
Faute grave de l’agent commercial : Définition
L’article L.134-13 du Code de commerce dresse une liste exhaustive des cas dans lesquels l’agent commercial perd son droit à indemnité. En effet, l’indemnisation de l’agent commercial en cas de cessation de son contrat étant le principe, le législateur a strictement limité les situations dans lesquelles l’agent commercial peut être privé d’indemnisation. Tel est le cas lorsque l’agent commercial commet une faute grave.
Le mandat d’agent commercial est mandat d’intérêt commun, de sorte que les deux parties au contrat ont toutes deux intérêt à maintenir et/ou développer la part de marché du mandant.
La faute grave de l’agent commercial est donc celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun.
En d’autres termes, la faute grave doit être d’une gravité telle que le maintien de la relation contractuelle devient impossible.
Un simple manquement de la part de l’agent ne suffit donc pas à lui faire perdre le bénéfice de son indemnité de cessation de contrat.
La charge de la preuve de la faute de l’agent commercial incombe au mandant.
Exemples de fautes graves de l’agent commercial
En l’absence de définition légale de la faute grave, les juges ont pour mission de déterminer, au cas par cas, ce qui est ou non constitutif d’une faute grave.
Porter atteinte à l’image du mandant
L’agent commercial peut ainsi perdre son droit à indemnité lorsqu’il porte atteinte à l’image de son mandant.
Tel est par exemple le cas lorsque l’agent agresse physiquement et/ou verbalement un client.
En effet, l’agent commercial agit au nom et pour le compte de son mandant. A ce titre, l’agent commercial doit tout mettre en œuvre pour promouvoir au mieux les produits ou services de son mandant. Il se doit donc d’avoir un comportement irréprochable vis-à-vis de la clientèle notamment.
Ce n’est évidemment pas le cas lorsque l’agent adopte un comportement agressif. Un tel comportement peut donc être constitutif d’une faute grave de l’agent commercial privative de l’indemnité de rupture de contrat.
Défaut de loyauté envers le mandant
Toujours dans une logique de mandat d’intérêt commun, mais pas seulement sachant que les contrats doivent être exécutés loyalement, peut commettre une faute grave l’agent commercial qui adopte un comportement déloyal envers son mandant.
Par exemple, est déloyal l’agent commercial qui, sans l’autorisation de son mandant, voire sans même en avoir informé ce dernier :
- prospecte la clientèle de son mandant et lui présente des produits concurrents,
- prend part au capital d’une société concurrente de celle de son mandant.
Manquement à l’obligation de non-concurrence
Conformément à l’article L 134-3 du Code de commerce, l’agent commercial ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de son mandant qu’avec l’accord de ce dernier.
Ainsi, commet une faute grave l’agent qui représente une société concurrente de son mandant sans son accord et sans l’avoir informé.
En revanche, sous réserve de ne pas avoir souscrit un engagement d’exclusivité envers son mandant, l’agent peut toujours exercer une activité de mandataire pour le compte d’entreprises non-concurrentes de son mandant et ce, même sans autorisation de ce dernier.
Défaut de prospection et désintérêt pour le mandat
Le défaut de prospection de l’agent commercial peut également être constitutif d’une faute grave. C’est notamment le cas lorsque celui-ci fait preuve de négligence en cessant intentionnellement de prospecter la clientèle.
L’agent commet également une faute grave lorsqu’il ne se soucie ni de l’activité commerciale de son mandant, ni de la commercialisation de ses produits.
Par ailleurs, l’agent est tenu de se conformer aux méthodes de vente de son mandant.
Plus généralement, l’agent doit mener à bien sa mission de prospection en démarchant la clientèle ou encore en répondant aux demandes de son mandant.
Faute grave de l’agent commercial et indemnité de fin de contrat
Faute grave de l’agent commercial pendant le préavis : quelles conséquences ?
Le fait de savoir si un agent commercial peut être privé de son indemnité de fin de contrat après avoir commis une faute grave durant l’exécution de son préavis, c’est-à-dire après que la résiliation de son contrat lui a été notifiée, a été tranchée par la jurisprudence européenne.
En effet, dans un arrêt du 28 octobre 2010 (C‑203/09), la CJUE rappelle que conformément à l’article 18 a) de la directive du 18 décembre 1986 (86 / 653 /CEE), un lien de causalité direct doit être établi entre la décision du mandat de résilier le contrat et le manquement de l’agent.
Ainsi, si le mandant met fin au contrat de son agent sans invoquer de faute grave, la faute grave commise postérieurement à la notification de la rupture ne privera pas l’agent de son droit à indemnité, cette faute n’étant pas la cause de la rupture du contrat.
La Cour rappelle toutefois par ailleurs que le comportement de l’agent pourra être pris en compte dans la détermination du montant de l’indemnité qu’il sera susceptible de percevoir.
L’agent n’a donc aucun intérêt à commettre une faute durant l’exécution de son préavis, cette faute pouvant réduire le montant de son indemnisation.
Faute grave découverte postérieurement à la rupture du contrat
Qu’en est-il lorsque la faute grave de l’agent commercial n’est découverte que postérieurement à la rupture du contrat ?
Pendant très longtemps, les juges français ont retenu que la découverte d’une faute grave postérieurement à la rupture du contrat privait l’agent commercial de son indemnité de fin de contrat. Quand bien même la rupture du contrat par le mandant avait été motivée par d’autres raisons.
Toutefois, le 16 novembre 2022, la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence , la haute juridiction française alignant à cette occasion sa position sur la jurisprudence européenne… A présent, la faute grave de l’agent découverte par le mandant postérieurement à la rupture de son contrat ne le prive donc plus de son droit à indemnité.
En effet, la Cour de cassation considère désormais que la faute grave ayant été découverte a posteriori, elle ne peut valablement justifier la rupture du contrat pour faute grave, cette rupture étant déjà intervenue.
Cette jurisprudence est protectrice des intérêts de l’agent commercial.
Spécialisé de longue date dans les questions relatives à la rupture du contrat d’agence commerciale, le Cabinet FOUSSAT Avocats assiste et conseille ses clients agents commerciaux tant durant l’exécution de leur contrat d’agent commercial qu’au moment de la cessation de celui-ci. A ce titre, le Cabinet FOUSSAT Avocats intervient tout particulièrement en cas de faute grave invoquée par le mandant et de problème de paiement de l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial rompu.