Résiliation anticipée et unilatérale d’un CDD : pas de cumul des dommages et intérêts

Comme nous l’avons déjà évoqué sur ce blog, la clause de résiliation anticipée conférant à l’ensemble des parties le droit de mettre fin à un contrat à durée déterminée est valable dès lors que la durée du préavis qui y est stipulée est suffisante au regard de l’article L 442-6 du Code de commerce.

 Toutefois, quid si la possibilité de mettre un terme de manière anticipée à la relation n’a pas été prévue ? La partie victime de la rupture peut-elle alors réclamer le paiement du prix des prestations qu’elle aurait normalement dû percevoir jusqu’au terme du contrat ?

La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, répondu par la négative à cette question.

En effet, selon la Haute juridiction, stricto sensu, le paiement du prix des prestations ne peut être exigé que lorsque le contrat continue de courir. Or, en cas de résiliation anticipée, le contrat cesse, par définition, d’être exécuté.

En revanche, la victime de la rupture peut réclamer des dommages et intérêts.

Le plus souvent, le montant des dommages et intérêts réclamés correspondra au gain manqué au titre du contrat prématurément rompu, c’est-à-dire au prix des prestations qui aurait dû être versé si le contrat n’avait pas été rompu de manière anticipée.

La victime d’une rupture anticipée pourra également être tentée de réclamer à l’auteur de la rupture des dommages et intérêts complémentaires sur le fondement de l’article L 442-6 du Code de commerce si elle estime ne pas avoir bénéficié d’un préavis suffisant pour effectuer sa reconversion.

Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation à l’occasion de son arrêt du 16 février 2016, la victime de la rupture considérait justement avoir subi un préjudice supplémentaire du fait de l’absence d’un préavis raisonnable qui lui aurait permis de se réorganiser.

En l’espèce, la société CDI, spécialisée dans le traitement des déchets de papier, avait conclu avec la société ESOP, spécialisée dans le même domaine, un accord d’exclusivité réciproque, pour trois ans renouvelable, à compter du 1er février 2005.

Aux termes de cet accord, la société CDI s’engageait à acheter les papiers / déchets des fournisseurs de la seconde. En juin 2010, des difficultés étaient survenues entre les deux parties, chacune d’elles accusant l’autre de ne plus respecter le contrat.

La société ESOP avait alors assigné la société CDI devant le Tribunal de commerce de Paris afin de faire constater la résiliation anticipée du contrat conclu entre elles en raison des fautes de la société CDI et obtenir réparation de son préjudice de ce fait.

A ce titre, la société ESOP réclamait à la société CDI non seulement des dommages et intérêts au titre de la résiliation anticipée de son contrat, mais aussi des dommages et intérêts du fait de la rupture brutale des relations commerciales existant entre elles.

Considérant que les deux indemnités n’avaient pas pour objet d’indemniser le même préjudice, les juges du fond, tant en première instance qu’en appel, avaient condamné la société CDI à verser à la société ESOP deux indemnités, l’une réparant d’une part le gain dont la société ESOP avait été privée du fait de la rupture anticipée du contrat, l’autre, la rupture brutale des relations commerciales en l’absence de préavis.

La Cour de cassation a toutefois cassé la décision de la Cour d’appel aux motifs qu’en condamnant tout à la fois la société CDI à payer à la société ESOP les sommes qu’elle aurait normalement dû percevoir jusqu’au terme convenu au contrat (soit pendant environ sept mois), mais aussi des dommages et intérêts correspondant à un préavis de six mois en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales, la cour d’appel avait indemnisé deux fois le même dommage.

Cette décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation semble logique et dans le prolongement de précédentes décisions (v. not. Cass. Com., 6 févr. 2007, n° 04-13.178).

Toutefois, l’on peut se demander ce qu’il en aurait été si le contrat avait été rompu par anticipation dans un délai inférieur au préavis à respecter pour rompre une telle relation commerciale.

Dans ce cas, il est probable qu’il aurait pu être fait partiellement droit à la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

AUMANS AVOCATS (anciennement FOUSSAT AVOCATS et DEROULEZ AVOCATS), PARIS / BRUXELLES / LYON / MARSEILLE

tags: Rupture relation commerciale

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