Arrêt intéressant de la CEDH du 27 juin 2017 (Grande Chambre – Aff Satakunnan Markkinapörssi OY et Satamedia OY c/ Finlande. Requête 931/13) s’agissant de la conciliation entre protection des données, protection de la vie privée et liberté d’expression, à propos de la publication par la presse finlandaise de données fiscales de personnes physiques.
Historique
La CJUE d’abord saisie en 2008 d’une question préjudicielle dans ce dossier (C-73-07) avait estimé que ces activités pouvaient être qualifiées de traitements de données à caractère personnel tout en reconnaissant que leur divulgation pouvait entrer dans l’activité de journalisme et donc être couverte par la dérogation prévue par la directive 95/46.
Saisie en 2010, la CEDH a relevé les normes pertinentes de l’Union européenne dont la charte des droits fondamentaux et fait directement référence au futur règlement UE 2016/679 -et à ses dérogations aux fins de journalisme héritées de la directive 95/46.
Elle a aussi cité la jurisprudence de la CJUE sur la protection des données et la liberté d’expression, au vu de ses multiples rappels soulignant que les dispositions du droit européen sur la protection des données devaient être interprétées à la lumière des droits fondamentaux garantis par la Convention et par la Charte.
Liberté de la presse, protection des données et vie privée
Après un rappel exhaustif de la jurisprudence de la CJUE en matière de protection des données, la CEDH a noté les spécificités de cette affaire (au vu du large accès du public aux données fiscales en cause) et souligné les principes généraux gouvernant sa propre jurisprudence, en terme de liberté de la presse, de droit à la vie privée et de protection des données.
Elle a estimé enfin qu’il n’y avait pas eu de violation de l’article 10 de la convention relatif sur la liberté de la presse et que les autorités finlandaises avaient tenu compte des principes et des critères de sa jurisprudence, quant à la mise en balance du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression, en agissant dans les limites de leur marge d’appréciation et en ménageant un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu.
Cet arrêt est intéressant à plus d’un titre, dans la mesure où il éclaire les principes généraux gouvernant les jurisprudences de la CEDH et de la CJUE en matière de respect de la vie privée, de protection des données personnelles et de droit à la liberté d’expression, en fournissant un panorama exhaustif.
L’arrêt en question souligne aussi les apports croisés de ces différentes jurisprudences et la double protection apportée à ces droits, tant par la Cour de Luxembourg que par la Cour de Strabourg et leur souci d’un exercice concret de ces droits. Il rappelle enfin, à travers les opinions dissidentes, les débats sur la notion d’activité journalistique et ses contours comme sur la mise en balance de droits concurrents.
Protection des données, CJUE et CEDH
Il sera intéressant d’observer à l’avenir comment la montée en puissance du droit à la protection des données personnelles, consacré comme droit fondamental par le traité de Lisbonne continuera à être traduite concrètement dans les futures jurisprudences des deux Cours. A noter également la référence au GDPR (règlement 2016/679) par la CEDH.