La requalification du contrat d’agent commercial en immobilier en contrat de travail peut être particulièrement lourde de conséquences, notamment financières, pour l’agence immobilière ou le réseau de mandataires si le juge fait droit à une demande en ce sens.
En effet, une demande de requalification fait souvent suite à une prise d’acte, par l’agent commercial en immobilier, de la rupture de son contrat aux torts de l’agent immobilier. Les conséquences financières d’une telle demande seront donc conséquentes : arriérés de salaires, indemnité de préavis, indemnité de congés payés, remboursement de frais professionnels, indemnité de licenciement, dommages et intérêts, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé…
La requalification du contrat d’agent commercial en immobilier en contrat de travail est ainsi un écueil à prendre au sérieux.
Le recours au contrat d’agent commercial en immobilier : une opportunité à saisir
Le recours, par les agences immobilières et réseaux de mandataires à des négociateurs sous statut d’agent commerical (v. notre article sur le statut d’agent commercial en immobilier), ne pose pas de problème en soi.
En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation de 2004 avait quelque peu semé la panique chez les agents immobiliers. L’incertitude sur le fait de savoir si les agents immobiliers pouvaient ou non avoir recours à des négociateurs indépendants, qui plus est sous statut d’agent commercial, a été levée par la loi portant Engagement national pour le Logement de 2006. Celle-ci a en effet complété la loi Hoguet en confirmant que le statut d’agent commercial était bien applicable aux négociateurs non-salariés de l’immobilier. Et ce, même si ce terme “applicable” retenu par la loi n’est pas très heureuse.
Le recours à ce statut présente des avantages certains (formalités administratives limitées, frais fixes réduits, etc.).
Mais encore faut-il que la façon dont ces contrats sont rédigés et a fortiori exécutés ne crée pas ce qui caractérise un contrat de travail, à savoir le lien de subordination auquel est soumis le salarié vis-à-vis de son employeur.
En effet, la frontière peut être parfois ténue entre contrats d’agent commercial d’une part, et contrat de travail d’autre part.
Or, la requalification d’un contrat d’agent commercial en immobilier en contrat de travail peut se révéler très lourde de conséquences.
Des éléments qui ne posent pas problème en soi
A ce sujet, ne saurait selon nous militer dans le sens de l’existence d’un lien de subordination le fait que l’agent commercial doive rendre compte à son agent mandant de son activité.
En effet, « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion… » (article 1993 du code civil). Cette obligation d’information est même expressément prévue par l’article L 134-4 du code de commerce en ce qui concerne l’agent commercial : « Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information ».
Le fait que le négociateur travaille pour un unique mandant peut certes poser la question de la dépendance économique du négociateur en question vis-à-vis de son mandant. Mais, à notre sens, cela est un autre problème et ne nous semble pas plus de nature à démontrer l’existence d’un éventuel lien de subordination.
Les points de vigilance pour éviter une requalification du contrat d’agent commercial en immobilier en contrat de travail
En revanche, peuvent notamment poser problème la façon dont le temps de travail de l’agent commercial va être organisé, les moyens techniques utilisés, les obligations mises à sa charge par l’agence immobilière ou le réseau pour lesquels il travaille.
En premier lieu, la question d’un éventuel lien de subordination peut se poser si l’agent commercial n’est pas libre de déterminer lui-même l’organisation de son temps de travail, la planification de sa prospection au sein de son secteur éventuel, etc.
Mais, les moyens techniques mis à disposition du vendeur peuvent également poser problème.
En effet, un travailleur indépendant est censé faire preuve d’un minimum d’autonomie non seulement dans l’organisation de son travail mais également dans son exécution et les moyens qu’il utilise pour cela.
En second lieu, doivent également être prises en considération les indications susceptibles d’être données par l’agence immobilière à l’agent commercial.
Cela concerne en particulier les indications portant sur la façon dont il devra exécuter sa mission et en rendre compte, la façon dont sera contrôlée l’exécution de ses prestations, etc.
En troisième lieu, il conviendra d’examiner dans quelles conditions un accompagnement éventuel de l’agent commercial par d’autres agents commerciaux plus senior ou par des salariés de l’agence sera prévu.
Et ce, alors qu’il est pourtant logique que les agences immobilières et réseaux de mandataires souhaitent suivre un minimum leurs commerciaux quand bien même ils sont indépendants.
Un partage d’expérience profitable à l’agent commercial en immobilier et à l’agent immobilier
En effet, l’obtention de leads qualifiés coûte cher aujourd’hui.
Que celle-ci passe par des liens sponsorisés, les réseaux sociaux, le publipostage.
Si l’agence immobilière en fait profiter ses agents commerciaux, il n’est pas aberrant que, dans un souci de bonne gestion et de retour minimal sur investissement, l’agence souhaite s’assurer qu’ils sont bien exploités.
De même, le fait de réussir à conclure une vente immobilière ne va pas de soi. Cela implique au contraire de maîtriser certaines techniques que tout agent commercial débutant ne connaît pas forcément et pourra avoir du mal à acquérir.
Ainsi, le fait d’accompagner les juniors lors de leurs premières ventes est également de nature à réduire les risques de découragements et donc le turn-over, qui représente également un coût pour les agences immobilières.
D’où l’importance du partage d’expérience entre agents commerciaux senior et agents commerciaux junior.
Mais attention à la façon de procéder.
En définitive, l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Une réflexion en amont sur les bonnes pratiques à instaurer en la matière et le respect de ces bonnes pratiques limiteront les risques en la matière.
La preuve de l’existence d’un contrat de travail incombe à l’agent commercial
Pour obtenir la requalification de son contrat en contrat de travail, l’agent commercial devra, après avoir saisi la juridiction prud’homale, apporter certains éléments de preuve au conseil de prud’hommes.
En effet, c’est à l’agent commercial qu’il incombera de démontrer l’existence d’un lien de subordination entre lui et l’agence immobilière pour obtenir la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail.
Réciproquement, le mandant devra démontrer qu’il n’existait aucun lien de subordination entre l’agence immobilière et l’agent commercial, notamment en démontrant que l’agent commercial était libre d’organiser son activité comme il le souhaitait, etc.
Si la requalification n’est pas retenue, l’agent commercial sera alors débouté de ses demandes.
A l’inverse, si la requalification est retenue, l’agent commercial se verra alors accorder diverses sommes (rappel de salaire le cas échéant, indemnité de congés payés, indemnité de licenciement, indemnité de préavis, etc.).
AUMANS AVOCATS : notre expertise à votre service
Se consacrant au droit de l’agent immobilier, AUMANS AVOCATS a développé une expertise spécifique relativement aux différentes problématiques se posant aux agents immobiliers dans l’exercice de leur profession (loi Hoguet, loi ALUR, relation avec les négociateurs, droit à commission de l’agent immobilier, protection des données personnelles, etc.).
Nous nous tenons donc à votre disposition pour tout renseignement complémentaire que vous pourriez souhaiter.
AUMANS AVOCATS (anciennement FOUSSAT AVOCATS et DEROULEZ AVOCATS), Paris Lyon Marseille Bruxelles